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Changeons la façon de « conduire le changement »

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La RSE peut-elle aider la transformation de l’entreprise ?

 

Nous avons, dans le monde moderne de l’entreprise, un problème lié à la conduite du changement. Pour s’en convaincre, il suffit de taper « résistance au changement » ou « conduite du changement » dans votre moteur de recherche préféré.

Invariablement, tous les cabinets de conseil, même les plus « modernes » disent la même chose : ils vous expliquent comment « vaincre » les résistances au changement.

Les plus classiques vous présentent des stratégies (généralement agrémentées de matrices donnant l’illusion d’une approche scientifique) qui vous permettent d’identifier les « adversaires », « hostiles au changement », qu’il faut « neutraliser ».

Les plus avancés vous conseillent de faire preuve de pédagogie, d’écouter les récriminations pour ne pas créer de frustration liée au silence et de vous concentrer sur vos « alliés », d’être « appréciatif » et de miser sur ce qui fonctionne déjà pour accélérer la transformation.

Aucun, jamais, à aucun moment ne viendra vous faire la mise en garde suivante : « attention, il se peut que ceux qui résistent au changement aient raison ». Jamais, impossible.

C’est un peu comme si l’infaillibilité du dirigeant était une sorte de postulat de base pour tous les consultants. Comme si, dans l’entreprise, celui qui décidait d’un plan de changement avait forcément raison, comme si toute vérité était l’apanage de la transformation. Comme s’il n’y avait jamais d’alternative possible. Comme si l’immobilisme ou même une autre voie dans le changement étaient à la foi erronés et surtout inenvisageables.

J’ai le souvenir personnel très net d’un grand groupe du CAC40 qui, chaque année, consulte une part très significative de ses collaborateurs sur un certain nombre de questions. Initiative d’autant plus louable que le périmètre de la consultation est proche de l’exhaustivité et que les garanties d’anonymat sont réelles.

Dans ce contexte, régulièrement, à la question « avez-vous confiance dans les orientations de votre management », les retours des collaborateurs sont mitigés, certaines entités du Groupe affichant des scores en dessous de 50%. La réponse du management est toujours la même, depuis les niveaux intermédiaires jusqu’à la Direction Générale : « si les collaborateurs n’ont pas confiance c’est qu’ils ne nous ont pas compris, il faut faire preuve de d’avantage de pédagogie, il faut mieux expliquer nos décisions ».

Bien entendu, on n’envisage jamais une seule seconde que ce manque de confiance pourrait être fondé sur des arguments rationnels, sur un raisonnement logique, qu’il pourrait être étayé et valide. Jamais on n’envisage que « la base » ou « ceux qui n’ont pas confiance » pourraient avoir raison et qu’une autre voie est possible.

 

Les plans de transformation et autres scénarios de « conduite du changement » sont toujours construits de la même manière. Brisons un tabou et une certaine langue de bois. Comment cela se passe-il ?

Des consultants sont engagés par la direction. A la base, il y a une phase de diagnostic, avec un certain nombre d’entretiens. La plupart du temps, ils sont limités au management. Il est extrêmement rare que les consultants prennent le temps de dialoguer avec « la base ». Bien entendu, on consulte également un certain nombre d’indicateurs, rapidement, en mode panique, et sans toujours bien vérifier les chiffres. Plus le cabinet est important et célèbre et plus ses « templates » sont rigides. En fait, plus vous payez cher l’intelligence et la prestation de conseil, et moins l’approche qu’on va vous appliquer sera souple. Paradoxal mais invariable.

Fidèles à leur habitude de se concentrer sur « ce que veut le client » (en gros, les désidératas de celui qui va leur faire un chèque), les consultants proposent un plan de transformation qui suit les grandes lignes de son raisonnement initial, qui se basait largement sur sa propre rationalité limitée de dirigeant et sur les quelques éléments de pilotage dont il dispose.

En France, c’est légal, tout plan de transformation un peu significatif doit être présenté aux partenaires sociaux. Pour les directions et les consultants, c’est un pensum, une punition, une perte de temps. Jamais au grand jamais cela n’est perçu comme une opportunité de dialoguer, d’échanger, de prendre en compte sincèrement d’autres points de vue. A l’issue de cette mascarade le plan de transformation subit des modifications qui sont au mieux « cosmétiques ». Et puis, une fois validé, le joli Power Point qui en résulte est appliqué. Commence alors cette terrible phase de « conduite du changement ».

Il ne s’agit pas ici de nier les facteurs souvent irrationnels et peu efficaces qui accompagnent la résistance au changement.

Oui, les collaborateurs ont souvent peur. Cette peur d’ailleurs n’est pas forcément irrationnelle, elle repose souvent sur l’expérience vécue des précédentes « transformations » chronophages, qui ont désorganisé leur quotidien, augmenté leur stress, les ont forcé à remplir quantité de tableaux Excel qui ont disparu dans la nature et n’ont procuré, au final, qu’un bénéfice abstrait pour quelques managers et/ou actionnaires.

Non, les collaborateurs n’aiment pas sortir de leur « zone de confort ». L’inconnu est source d’anxiété. Il est normal que face au changement les Humains que nous sommes aient une résistance immédiate d’autant plus forte que ce changement est subi et qu’ils n’ont pas eu leur mot à dire. L’adhésion au changement est une des deux clefs de son succès.

L’autre clef ? Il faut que le changement soit utile et réellement efficace.

Et les plans de transformation inutiles et inefficaces ne manquent pas. Mais s’ils échouent, c’est toujours le même diagnostic : c’est à cause des « méchants » (souvent à la base de l’organisation) qui ont « résisté ». La méthode actuelle ne fonctionne pas ? Persévérons avec d’avantage de pédagogie pour vaincre ces éléments irrationnels et contreproductifs.

Mais non, toute résistance au changement n’est pas forcément « irrationnelle » et « contreproductive ».

Dévoilons ici un secret d’importance, un scoop à l’attention de nombreux dirigeants : certains de vos collaborateurs sont compétents, voire experts dans leur métier. Certains de vos salariés sont intelligents, travailleurs, ils ont de bonnes capacités d’analyse et de synthèse. Aussi, lorsqu’ils semblent « résister » au changement, ne les classez pas dans les cases « hostile » ou « pédagogie » de la matrice de conduite du changement que les consultants vous apportent. A la place, essayez une autre approche : écoutez-les. Même si vous pensez avoir raison, ils ont peut-être des arguments qui se fondent sur des observations que vous n’avez pas faites, sur des analyses que vous n’avez pas envisagées.

Nous avons tous subit ce mode de transformation. Subit ou conduit. Nous avons tous, en entreprise, été tantôt d’un côté ou de l’autre. Mais le roi est nu et personne ne le dit. L’alternative à ce fonctionnement kafkaïen existe. Le changement participatif par l’écoute des parties prenantes.

C’est un domaine dans lequel l’exercice engagé et sincère de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise peut aider réellement et efficacement la conduite de l’organisation. Bien entendu, c’est une pratique exigeante, bien loin de la « RSE des mugs en bambou » qu’affectionnent encore certains dirigeants autistes.

Le changement participatif par le dialogue avec les parties prenantes suppose d’identifier et de reconnaitre ces dernières. D’admettre qu’il n’y a pas que « le client le client le client » dans la vie de l’entreprise mais qu’elle fait partie d’un système complexe dans lequel interagissent des parties prenantes internes (collaborateurs de différents niveaux, managers intermédiaires, direction, actionnaires,  …) et externes (fournisseurs, clients, prestataires, administrations, communautés, …). Cela suppose aussi d’admettre que ces parties prenantes ont un agenda et qu’il est légitime, même s’il est parfois discordant par rapport à la partition que veut jouer le dirigeant.

Cette identification suppose de hiérarchiser les parties prenantes de manière rationnelle et factuelle en fonction de certains critères : notamment leur capacité d’influence sur l’organisation, mais aussi la capacité qu’à l’organisation d’influer sur elles.

Dialoguer, écouter, être sincèrement ouvert sur le point de vue de l’autre ne veut pas dire « être prêt à dire oui à tout ». L’important est de reconnaître qu’une partie prenante est légitime et que l’organisation doit lui répondre. Cela suppose d’admettre qu’il existe d’autres points de vue, que chacun a son « expérience du monde », que les conceptions se valent. Cela suppose pour un dirigeant d’admettre qu’il n’a pas forcément « raison » sous prétexte qu’il a construit son opinion selon un cheminement logique et éclairé. Parce que le monde dans lequel nous vivons est complexe et qu’il est impossible même pour le plus grand génie d’avoir en permanence une compréhension exhaustive de tous les enjeux.

Dialoguez avec vos parties prenantes. Elles vous en apprendront beaucoup sur votre organisation et sur vous-même. Vous pourrez ainsi les convaincre, en amont, de certaines de vos orientations. Mais peut-être vous feront-elles changer d’avis sur certaines idées de transformation, pour un bénéfice mutuel.

Ces parties prenantes seront liées à votre processus de conduite du changement, il sera plus ouvert, plus participatif et mieux accepté. Bien entendu, cela ne débouchera sans doute pas sur un « plan de transformation » aussi agressif que d’habitude. Mais ce qui compte, au final, ce ne sont pas les indicateurs de « gain » réalisés pendant la transformation. Ce qui compte, sur le long terme, c’est que la valorisation de l’entreprise augmente, pour l’ensemble de ses parties prenantes. La valorisation ou plutôt « les valorisations » : la valeur comptable et financière, la valeur sociale, la valeur immatérielle…

Si vous souhaitez dialoguer avec vos Parties Prenantes mais que vous n’avez pas l’habitude d’un tel processus, Sylmaris peut vous aider…

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