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Le système dicte nos comportements

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Milgram

Confiants que nous sommes dans le modèle individualiste, formés que nous sommes à l’excellence personnelle dans notre système éducatif, encouragés que nous sommes au nombrilisme par la société de consommation, nous sommes persuadés de la « toute puissance » de la liberté individuelle.

L’individu (occidental) serait, au 21e siècle, affranchi des carcans sociaux, des cadres, des normes qui l’empêcheraient de se réaliser pleinement.

Voire.

De nombreuses expériences ont démontré, au fil des ans, que les systèmes dans lesquels nous évoluons créent nos comportements. Plus sûrement et plus facilement que n’importe quelle tentative d’endoctrinement, la simple présence d’un individu dans une structure donnée lui impose un certain type de comportement.

Le culte de l’évènement et de l’instantané renforce cette tendance. En ne prenant aucun recul sur les évènements, que cela soit en entreprise ou face à l’actualité, nous sommes incapables de les remettre en perspective, de comprendre les liens de cause à effet, les boucles de rétroaction. En nous focalisant sur l’évènement, en étant isolé dans notre individualité, nous en venons à considérer que si dysfonctionnement il y a il ne peut venir que de « l’autre ».

Nous sommes encouragés dans cette tendance à blâmer autrui par ce même système qui nous a aidé à développer nos compétences personnelles et notre expérience professionnelle. Si je suis bardé de diplômes et fort de nombreuses années d’expérience, si on m’a appris à avoir confiance en moi et à m’identifier pleinement à mon poste, alors, en cas de problème, la cause ne peut être qu’extérieure et imputable à « l’autre ».

Pour illustrer ce propos, on pourra lire l’excellent article « the education of a torturer » de J. Gibson et M. Haritos-Fatouros (par exemple ici :

http://psychhome.weebly.com/uploads/1/3/7/7/1377191/education_of_torturer.pdf)

L’article détaille les ressorts psychologiques qui ont conduit, au 20e siècle, des individus parfaitement normaux à exécuter des actes de torture et de barbarie. En plus de la fameuse expérience de Milgram reprise dans le film « I comme Icare », l’article cite l’expérience de l’université de Stanford qui consista à reproduire un environnement carcéral en assignant à des étudiants des rôles de prisonniers et de gardiens. En moins d’une semaine, et ce sans formation ou directive, les étudiants assumant les rôles de prisonniers étaient devenus passifs, désœuvrés, voire désespérés. Ceux qui tenaient les rôles de gardiens commirent des abus verbaux et physiques, devinrent agressifs et se conduisirent comme des « stéréotypes » de gardiens. L’expérience dut être arrêtée avant terme, du fait de la trop grande détresse morale des « prisonniers ».

Si, en un si court laps de temps, des individus éduqués en cursus supérieur peuvent se métamorphoser à ce point sur le plan comportemental, comment pourrions-nous être immunisés à de tels structurations comportementales dans le monde de l’entreprise, sur le long terme.

Les faits sont là : l’individu (occidental) au 21e siècle n’est souvent qu’un pantin au sein de l’entreprise. Ses comportements lui sont dictés par le système dans lequel il évolue, et la focalisation sur l’écume des jours évènementielle (renforcée par la pluie continue d’emails) lui coupe toute capacité de recul, de mise en perspective, de compréhension des liens de cause à effet, d’appréhension des conséquences de ses actes.

Pourtant, des solutions existent. La principale passe par le dialogue, l’ouverture à l’autre. Apprendre à comprendre la vision d’autrui, réaliser qu’on peut et même qu’on doit gagner avec et non contre les autres… Comprendre que nous ne sommes ni des individus isolés ni même des individus perdus face à un système, mais que nous sommes le système est le seul moyen de progresser tout en changeant notre environnement.

Car oui, les comportements peuvent influencer le système.

 

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